Bonjour,
je crois qu'une confusion est savamment entretenue autour de cette notion de droits... On parle la plupart du temps du "droit d'auteur". Celui-ci s'applique aux productions (pour ne pas dire "oeuvres") d'un auteur ou d'un artiste reconnu comme tel. Cette reconnaissance passe par exemple par la notoriété publique, ou par l'adhésion à une société d'auteurs (comme le SACD ou la SACEM, par exemple). A défaut, il convient de l'établir. Cela a été l'objet du procès en question.
Dès lors, le droit à la propriété intellectuelle (ou droit d'auteur) s'applique. Il est incorporel, ce qui signifie qu'il est indépendant de la propriété matérielle de l'oeuvre. Ce droit est double:
D'une part le
droit moral de l'auteur est protégé, c'est-à-dire le droit qui garantit le respect du nom de l'auteur, de sa qualité et de son oeuvre. Il s'agit d'un droit attaché à la personne, perpétuel, inaliénable et imprescriptible (ce sont bien des termes juridiques, je vous laisse consulter un dictionnaire pour en avoir la définition précise). Il est transmissible aux héritiers de l'auteur dès le décès de celui-ci (droit des successions). Seules des dispositions testamentaires permettent de le confier à un tiers. Le droit moral ne disparait quà l'extinction de la famille ou lorsqu'il est impossible d'identifier les ayants droit.
Ce droit oblige l'utilisateur de l'oeuvre à citer l'auteur, à respecter l'oeuvre (ne pas la modifier: le recadrage d'une photo par exemple), et à ne pas la divulguer sans l'autorisation de l'auteur. Cela correspond donc aux "crédits photo" qui indiquent l'origine de l'image.
D'autre part, on trouve les
droits patrimoniaux, également appelés droits d'exploitation. Là, on aborde les questions qui vous préoccupent... Il s'agit de garantir à l'auteur le privilège de l'exploitation commerciale de son oeuvre. Celle-ci peut se faire de deux manières: par représentation (exposition, conférence, documentaire, etc.) ou par publication (impression, mise en ligne, photographie...). Ces droits sont garantis à l'auteur sa vie durant, et transmis à ses ayants droit tout au long d'une période de 70 ans après son décès. Au-delà des 70 ans, l'oeuvre tombe dans le domaine public. Il faut noter cependant que ces droits peuvent être cédés à des tiers pendant toute leur durée d'existence, soit à titre payant, soit à titre onéreux.
Un droit annexe est le droit de citation: un court extrait peut être cité par quiconque sans demander d'autorisation, sous certaines conditions, la première étant de citer clairement l'auteur et la source (toujours les fameux crédits).
Conclusion: on oublie très souvent le droit moral... qui pourtant est plus durable que les droits d'exploitation et peut être à tout moment opposé au divulgateur.
Voilà pour la doctrine.
En conséquence:
Si le droit d'auteur est à celui qui détient le négatif, qu'en est il des épreuves photographiques.
Est ce que l'achat d'une épreuve photographique, aussi rare soit elle, donne droit à l'exclusivité?
Et après qu'elle ait fait l'objet d'une édition, papier ou virtuelle?Une partie du droit d'auteur peut appartenir au détenteur du négatif (qui
a priori est l'auteur ou son ayant droit, mais pas forcément comme on l'a vu). Encore faut-il que ledit négatif relève de ce droit. La possession d'une épreuve photographique n'entraîne en aucun un quelconque droit sur l'oeuvre, qui est immatérielle par définition. Comme vu plus haut, l'auteur jouit intégralement du droit sur la divulgation de son oeuvre, qu'elle ait été déjà publiée ou non (en gros, il peut refuser la publication à un éditeur qui ne lui convient).
Nombre de ces images sont des photos "amateurs", de reporter de guerre, ou d'industriels d'un autre temps(pour ce qui nos intéresse)Photos amateur: pas concernées. Un reporter, de guerre ou autre, est bel et bien un auteur, donc ses images sont protégées par le droit d'auteur. Des photos ou documents d'industriels relèvent de la propriété industrielle (que je ne maîtrise pas du tout), ils sont donc protégés par le code, mais pas de la même manière. Ce que je sais, c'est que les documents des diverses sociétés nationales de constructions aéronautiques sont passés dans le giron d'Airbus lors de la privatisation d'Aérospatiale, même les documents d'origine publique. Les droits afférents appartiennent donc à Airbus.
Les auteurs des sites et ouvrages avancent le droit d'auteur pour se prémunir d'une diffusion "sauvage", mais le peuvent ils pour les photographies dont ils ont payés un droit de reproduction seulement, ou pour une épreuve photo?Evidemment non, ils ne sont auteurs que de la partie intellectuelle (le texte et éventuellement la présentation). Comme déjà dit, la possession d'une reproduction n'octroie aucun droit autre qu'un usage privé.
Faut il passer les photos devant un juge pour obtenir des droits? (validées artistiques)Non. Il faut demander l'autorisation à l'auteur ou ses ayants droit, et éventuellement acquitter des droits de reproduction. A cet égard, l'autorisation peut parfaitement être gracieuse: à ma connaissance, Airbus autorise la publication de ses photos sans demander de contrepartie financière...
toute photo ancienne reproduite est-elle donc publiable sans droits ?Non plus, si elle relève du droit à la propriété intellectuelle. La loi oblige l'utilisateur à rechercher le ou les détenteurs des droits... Au cas - en fait très fréquent - où le cliché n'est pas soumis au droit d'auteur, la publication est libre.
La mention "collection personnelle
ou untel" n'a qu'une valeur indicative sur le lieu où se trouve le document. Elle n'a aucun rapport avec le droit d'auteur. L'absence de mention est dommageable à la compréhension du document, quel qu'il soit. Mais elle n'est obligatoire que dans le cadre d'oeuvres relevant du code la propriété intellectuelle.
Pour ton ami, Loadmaster, il devrait rechercher les ayants droit des photos, si celles-ci sont "sourcées", et s'entendre avec eux pour leur utilisation. Cela peut se faire dans une ambiance tout à fait cordiale.
J'ai été un peu long, vous m'en excuserez. Je ne suis pas juriste, mais je suis sensibilisé à la chose du fait de mon activité professionnelle, notamment au sujet des clichés appartenant à Airbus. Les services d'archives gèrent des documents tant publics que privés, et nous sommes fréquemment confrontés à ces histoires de droits...
En conclusion, je dirai qu'il ne faut pas trop s'inquiéter sur le sujet, il convient juste de faire preuve de prudence lorsque l'on souhaite publier une photo. D'ailleurs, je crois que je vais m'abstenir dorénavant de mettre des photos en ligne; pour ma part, à part les miennes, qui n'ont rien d'artistique!
Pascal